Sunday 19 May 2019, Zürich

[Seules les paroles prononcées font foi.]

Chers délégués,
chers amis,
chers invités,

Je vous souhaite une très cordiale bienvenue à cette 114e assemblée des délégués de la Fédération suisse des communautés israélites et salue notamment Bernard Korolnik, le nouveau président de l’IRG Zurich, ainsi que Manuel Battegay, le nouveau président de l’IGB Bâle, que je félicite tous deux pour leur récente élection. Je me réjouis de vous voir si nombreux et vous promets une journée intéressante. La statutaire assemblée des délégués sera, en effet, suivie d’une soirée dont le programme s’annonce passionnant. Nous aurons par ailleurs, à ma grande joie, parmi nous en soirée, comme invité d’honneur et intervenant vedette, le conseiller fédéral Ignazio Cassis.

J’apprécie chaque fois le plaisir qu’en tant que président il m’est donné de commencer cette assemblée des délégués en vous adressant quelques mots. Un plaisir d’autant plus vif que nous sommes réunis, ici et aujourd’hui, à Zurich, pour une assemblée des délégués organisée par les trois communautés membres de cette ville, à savoir l’ICZ, l’IRG et Agudas Achim, ce qui n’était jamais arrivé jusqu’à ce jour.

Les mots que je vous adresse aujourd’hui sont des mots qui comptent. Il s’agit, en effet, de la position que nous autres juifs occupons au sein de notre pays, la Suisse. Et non seulement de la nôtre, mais de celle des minorités en général.

La Suisse a toujours été un pays de la diversité, où se côtoient des langues, des cultures, des confessions, des religions différentes, certaines de longue date, d’autres depuis peu de temps. Tous ces gens vivent ensemble sur une espace restreinte, faisant de la Suisse ce qu’elle est. C’est, en tout cas, ce que nous ne cessons de nous raconter.

Or, je me demande de plus en plus souvent depuis quelques années si cette diversité est encore souhaitée ou si les nombreuses minorités qui vivent et travaillent en Suisse ne sont pas tout juste tolérées, voire rejetées par une grande partie de la société majoritaire ? Et c’est à se demander si beaucoup de Suisses ont vraiment envie d’un pays multiple et varié ou s’ils ne préféreraient pas, au fond, un pays du temps de Gotthelf, peuplé de chrétiens, de gens de race blanche et hétérosexuels ?

Bien qu’il me soit impossible de répondre une fois pour toutes à cette question, l’image de la Suisse multiple me paraît de moins en moins vraie. Je vois avec préoccupation la direction que certaines choses prennent ces derniers temps : la compréhension à l’endroit des minorités, et des minorités religieuses en particulier, diminue. S’il a toujours été difficile de discuter avec sérénité de la viande casher, cela est aujourd’hui quasiment impossible. De plus en plus de gens dénoncent la Brit Mila comme une atteinte inacceptable à la souveraineté de l’enfant, quand ce n’est pas comme de la maltraitance. Et l’on estime très souvent, s’agissant des droits humains, que celui qui garantit le libre exercice de sa religion doive arriver en dernière position, derrière la protection des animaux, entend-on souvent dire maintenant.

Cela tient pour partie à une sécularisation croissante de notre société, dont il résulte que beaucoup de gens ont moins de compréhension et de considération pour ce qui est du religieux et, plus particulièrement, des religions minoritaires.

On a aussi l’impression que se fige insidieusement une image de l’être humain ainsi que de la façon dont il est censé vivre et censé être. Nous voilà décidément bien loin de la pluralité, et ce alors même que l’on a si souvent à la bouche les mots « liberté », « ouverture d’esprit » et « libéralisme ». Or il suffit que l’on sorte du mainstream pour que l’on se trouve remis en question et marginalisé.

Ce que l’on observe depuis quelques années est une moindre compréhension à l’endroit des minorités religieuses, doublée d’un refus de plus en plus marqué des minorités en général, qu’elles soient culturelles, ethniques ou, justement, religieuses. On le constate plus particulièrement, et avec une fréquence accrue, sur le plan politique, où le populisme fait des minorités – réfugiés, étrangers, musulmans – les boucs émissaires de tous les maux. Le rapprochement avec l’incroyable augmentation des discours de haine que l’on dénombre en particulier sur les réseaux sociaux est évident. Ces problèmes existent dans le monde entier, et la Suisse, malheureusement, n’y fait pas exception.

Le rapport sur l’antisémitisme que rédigent la FSCI et la GRA Fondation contre le racisme et l’antisémitisme déborde en 2018 de commentaires antisémites, en particulier sur Facebook et Twitter. Cela ne fait que nous conforter dans l’idée qu’il est grand temps de réagir aux propos haineux véhiculés par les médias sociaux. Des plates-formes du type Facebook ou Twitter sont sommées de renforcer leurs mécanismes de contrôle. Si elles n’en sont pas capables, il faudra que le législateur se saisisse de la question.

Ce que montre très clairement Internet, et que nous savions déjà, est que l’antisémitisme, tel qu’il est aujourd’hui, se manifeste surtout par rapport à l’État d’Israël, en particulier lorsqu’il émane de l’extrême gauche et des milieux musulmans, et, sinon, en lien avec les théories du complot les plus absurdes, que propagent plus particulièrement les milieux d’extrême droite. Permettez-moi d’insister quelques instants sur une forme de théorie du complot qui a fait ces derniers temps d’innombrables adeptes dans cette même extrême droite, mais que relaient également, tout au moins implicitement, des politiciens démocratiquement élus et même des leaders politiques tels que Viktor Orban en Hongrie : la théorie dite de la « transformation ethnique ». Et que dit cette théorie ? Que les juifs, qui dominent tout, veulent substituer à la population blanche de l’Europe des immigrés arabes ou africains et qu’ils cherchent à créer une nouvelle race métissée, de faible intelligence et, partant, plus facile à contrôler.

Si j’évoque ici cette théorie, c’est pour une raison de la plus haute actualité, c’est que s’en réclamaient aussi les auteurs des trois attentats de Pittsburgh, de Christchurch et de San Diego. Trois attentats ayant fait plus de 60 morts, voilà qui devrait faire comprendre jusqu’aux sceptiques les plus endurcis que le terrorisme d’extrême droite ne doit pas être sous-estimé, alors qu’il ne l’a été que trop longtemps. Y compris en Suisse. Car nous avons également en Suisse, comme nous l’ont appris cette semaine les médias, des extrémistes de droite et des néonazis prêts à basculer dans la violence et nombreux à croire fermement à la théorie de la « transformation ethnique ».

Que faut-il en conclure ? Que le Service de renseignement de la Confédération et Fedpol doivent surveiller de plus près ces personnes. Jusqu’ici, on ne s’occupait pour ainsi dire que des terroristes islamistes. Ceci non sans raison, sauf que l’on en a presque oublié, du coup, les extrémistes de droite. Cela nous donne d’ailleurs raison quant aux efforts que nous avons déployés dans le domaine de la sécurité. Car il doit être clair, et je ne cesserai de le répéter : aucun juif ne doit avoir peur lorsqu’il prie à la synagogue. Aucun juif ne doit avoir peur lorsqu’il assiste à un événement dans un centre communautaire. Aucune mère juive ni aucun père juif ne doit avoir peur quand leurs enfants sont à l’école. Et aucun juif ne doit renoncer, parce qu’il a peur, au port de la kippa ou d’autres vêtements.

Pour faire barrage à cette peur, nous devons prendre les mesures de sécurité nécessaires, et nous continuerons de le faire. Nous devons insister auprès de l’État pour qu’il nous soutienne dans nos efforts, et nous continuerons de le faire. Car il est du premier devoir de l’État d’assurer la sécurité et la protection des citoyens. Il y a quelques jours, s’est achevée la procédure de consultation de l’ordonnance sur un soutien accru à la sécurité des minorités en danger. Nous considérons le train de mesures qu’elle contient comme une bonne première étape pour renforcer la protection et la sécurité de nous autres juifs ainsi que des autres minorités en danger. Nous constatons avec satisfaction qu’une grande majorité de cantons et de partis approuvent pour autant qu’on le sache l’ordonnance. Mais il ne s’agit effectivement que d’une première étape, que d’autres vont maintenant devoir suivre. Ce qui compte surtout maintenant, c’est que les cantons, en tant que première instance responsable de la sécurité publique, prennent leur part du coût de notre sécurité. Je tiens à mentionner à cet égard l’excellent exemple du canton de Zurich, qui a déjà fait savoir qu’il doublera le montant de chaque versement que la Confédération effectuera au titre d’un projet de sécurité le concernant. Le conseil d’État du canton de Bâle-Ville s’est, lui aussi, montré très collaborant et soutient maintenant d’un montant substantiel les mesures de sécurité prises par la communauté juive de la ville. La loi fédérale qui est envisagée est pour nous de la plus haute importance en ce qu’elle permettrait des mesures de la Confédération dépassant de beaucoup celles de l’ordonnance. Et tout comme celle-ci, la loi devrait bénéficier d’un ample soutien et d’une contribution substantielle des cantons.

Qu’il serait agréable, mais, hélas, totalement illusoire, de pouvoir se passer de toutes ces mesures de sécurité. Qu’il ferait bon vivre dans une Suisse dont chaque habitant, qu’il soit ou non mainstream, serait accepté et respecté avec sa foi et son mode de vie. Ce serait là le seul moyen d’avoir une Suisse authentiquement diverse. Il est du devoir de la société, du devoir du politique, de celui des médias de se remettre à réfléchir à la signification du mot « diversité ».

Cette diversité est aussi notre affaire en tant que communauté juive, une communauté au sein de laquelle estime et respect réciproques ne vont pas non plus toujours de soi. Ne sous-estimons pas le signal que nous donnons ici et aujourd’hui même, à savoir une AD conjointement organisée par ces trois communautés zurichoises pourtant si différentes les unes des autres que le sont l’ICZ, l’IRG et Agudas Achim. Voilà un bel exemple de diversité vécue. Une diversité telle que je la souhaiterais demain, mais à un degré encore bien plus fort, que ce soit au sein de la FSCI ou de la communauté juive de Suisse en général.

Je vous remercie.


Allocution du président Herbert Winter à l’Assemblée des délégués de la Fédération suisse des communautés israélites FSCI au centre communautaire IRG à Zurich, le 19 mai 2019.

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